Les projections de films fixes

Chaque jeudi, au 1^er étage de la Fraternelle, « Monsieur le curé » faisait la joie des enfants que nous étions, en projetant, après le catéchisme, les captivantes aventures de Tintin et Milou.

Apparu en 1923, le film fixe a été le support le plus utilisé par certains instituteurs ou éducateurs jusqu’aux années 1970. Il devance ainsi la diapositive. L’Église possède naturellement ses maisons d’édition, et l’on trouve de très nombreux documents et films, notamment pour l’enseignement catholique. Le « vrai cinéma » n’est pas à la portée de tous les budgets ni de toutes les compétences, et c’est sous la forme simpliste du « film fixe » que le cinéma entre dans certaines écoles primaires et les salles de catéchisme.

Le film fixe possède un certain nombre d’avantages. Il permet d’obtenir l’attention des enfants et une meilleure mémorisation grâce à la visualisation des films éducatifs, mais il favorise aussi leur imagination avec les bobines récréatives.

Ainsi, chaque jeudi, le curé de Saint-Michel projetait, à la fin des leçons de catéchisme, des films en vues fixes, en noir et blanc, et bien évidemment muets. Il y avait d’abord les films « religieux » (Les Commandements, les Sacrements, les Saints, etc.).

Mais ce que nous attendions tous, c’était la deuxième partie de la projection, les films récréatifs… et plus particulièrement les aventures de « Tintin et Milou ». La publication des planches d’Hergé sur films fixes était réservée à la Maison des « Beaux Films », qui détenait un droit exclusif de publication. Souvent, ce sont les seuls souvenirs marquants de ces cours de catéchisme, sans oublier « Sylvain et Sylvette » ou « Perlin et Pinpin ». Parfois, pour récompenser les enfants venus assister aux vêpres du dimanche après-midi, des projections étaient organisées.

Ces projections étaient suivies avec une grande attention. Le père Marinet racontait l’histoire en s’efforçant d’imiter certaines voix, comme celle du capitaine Haddock avec ses incontournables « mille millions de mille sabords » ou « tonnerre de Brest ». Pour chaque séance de Tintin, par exemple, deux bobines étaient projetées, jamais plus, afin de maintenir le jeune public en haleine. Parfois, mais rarement, lorsque le jeune reporter se retrouvait en danger, et après avoir supplié le curé afin que notre héros ne reste pas en détresse jusqu’au jeudi suivant, une nouvelle bobine venait prolonger le spectacle, pour notre plus grande joie, et ainsi sortir Tintin d’une situation délicate.

Par ailleurs, un titre comme « Tintin en Palestine », ancien nom de « Tintin au Pays de l’Or Noir », comprenait vingt bobines. À raison de deux bobines par séance, il fallait donc dix projections doubles, soit dix semaines, pour connaître le dénouement de l’histoire.

L’évolution de la société dans les années 60, avec l’avènement de la télévision et des dessins animés au cinéma, a contribué à la disparition du film fixe. Il a été remplacé par la diapositive (apparue dans les années 1940), d’un format plus grand (24 x 36) et d’une qualité nettement supérieure. L’apogée du film fixe s’est située dans les années 1950-1955, bien que son utilisation en France ait perduré dans certaines communes jusqu’à la fin des années 1970. À Saint-Michel, les projections ont résisté et les dernières séances ont perduré jusqu’au début des années 80.

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Source : « Les films fixes au service de la religion » dans Archives de l’Église de France, n° 69, Frédéric Vienne, 1er semestre 2008, p. 27-36.