L’école communale – 1794 à 1945
Douloureux ou attendrissants, les souvenirs d’école – de la salle de classe et son tableau noir jusqu’à la cour de récréation et son immense préau – restent à jamais gravés dans nos mémoires.
L’école républicaine aux « Coteaux du Bon Air » sous la Révolution (1794)
En l’an III (1794), le district des Thermopyles (Saint-Marcellin), comprenant 81 communes, dont Les Coteaux du Bon Air (Saint-Michel-de-Saint-Geoirs), met en place une instruction publique obligatoire pour les enfants, conformément aux lois Bouquier et Lakanal.
Ces 81 communes sont regroupées en 32 centres éducatifs, numérotés de 1 à 32.
Le village du Coteaux du Bon Air devient un de ces centre (lieu exact inconnu) où convergent les élèves de trois localités voisines : Mont-Geoirs (St-Geoirs), Saint-Didier-de-Brion (Brion), et Notre-Dame de Plan (Plan).
Marathon (Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs) figure également parmi les 32 centres.
La loi Bouquier impose la fréquentation scolaire sous peine de sanctions pour les familles, et la loi Lakanal établit un programme de base comprenant lecture, calcul, morale républicaine et sciences naturelles. Les anciens presbytères sont réquisitionnés pour accueillir ces écoles, tandis que les instituteurs, investis de leur mission républicaine et gratifiés d’un statut honorifique, reçoivent un salaire modeste. Ce système vise à promouvoir l’égalité et la citoyenneté républicaine dès le plus jeune âge, même dans les petites communes rurales.
Les débuts des maisons d’école à Saint-Michel (1816-1852)
En 1816, une ordonnance royale oblige les communes à proposer une instruction primaire, même sous le contrôle de l’Église. Cependant, aucune mesure importante n’est prise, et cette ordonnance reste une vaine promesse.
À Saint-Michel, ce sont des religieux qui donnent des cours, auxquels seuls quelques enfants de familles suffisamment aisées assistent en payant.
La loi Guizot de 1833 impose aux communes de plus de 500 habitants l’obligation d’ouvrir une école de garçons.
En 1836, le conseil municipal de Saint-Michel, qui compte 505 habitants, a discuté des dépenses nécessaires pour une instruction primaire et un instituteur, et a donc été contraint d’ouvrir une « maison d’école ». Avant cette date, aucune archive connue ne fait mention d’un projet de construction d’école dans la commune.
Les communes utilisaient souvent des locaux de fortune comme maisons d’école : une pièce unique, petite, mal éclairée, mal chauffée, voire une grange désaffectée ou un presbytère, qui ne se distinguait en rien des autres maisons du village.
En 1839, pour la première fois, la construction d’une maison pour l’école primaire est envisagée à Saint-Michel. Cependant, cette proposition reste sans suite, la priorité étant donnée à la construction de l’église et à l’entretien des chemins communaux.
En 1847, François Champon, natif de la commune (La Barbaudière) et récemment diplômé de l’École Normale, devient le nouvel instituteur. Une maison est louée (non répertoriée) pour y dispenser les cours, mais elle ne comprend pas de logement pour l’instituteur. Les parents doivent payer l’instituteur pour la scolarité de leurs enfants, avec des tarifs variant de 1,20 franc à 3 francs par élève selon le niveau. De plus, cinq élèves dont les parents sont dans le besoin peuvent assister aux cours sans frais.
En 1849, le bail de cette maison expire, laissant Saint-Michel sans maison d’école. Le maire contacte alors l’instituteur, qui possède un bâtiment au mas du Mollaret, pour y aménager une salle d’étude et un logement. Le bail est de quatre ans pour un montant annuel de 140 francs. La salle de classe sert également pour les réunions du conseil municipal. François Champon prend en charge les coûts des travaux, ainsi que l’achat d’une armoire, d’un placard pour les archives de la mairie, et du charbon pour le chauffage. En 1850, 15 élèves issus de familles défavorisées sont admis gratuitement.
En 1852, le maire informe les conseillers que les habitants souhaitent voir construire une maison d’école pour garçons et filles, incluant un logement pour l’instituteur et l’institutrice, ainsi qu’une salle de mairie pour les réunions du conseil municipal.
Développement des maisons d’école (1853-1882)
Deux maisons d’école sont répertoriées dans la commune : à partir de 1853, une maison d’école pour garçons (située au mas du Devais) et, à partir de 1875, une maison d’école pour filles (située aux Fonts Rivoires).
1. La maison d’école pour garçons au mas du Devais (actuelle demeure de Gilles Monnet).
Régis Champon, qui habite aux Fonts Rivoires, fait construire une maison au mas du Devais. Le 1ᵉʳ novembre 1853, un bail à ferme (bail rural) est signé entre le maire Joseph Coste et le propriétaire de cette nouvelle habitation. Cette maison est ainsi désignée pour servir de maison d’école pour garçons, pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer de 150 francs par an.
Quelques années plus tard, cette maison devient la propriété de Joseph Douron, instituteur à Oulles, près de Bourg d’Oisans. Le 1ᵉʳ janvier 1878, M. Douron cède la maison à la commune sous forme d’un bail à loyer d’une durée de 2 ans.
Cette habitation se compose, au rez-de-chaussée, d’une salle de classe pour les garçons, d’une cuisine située au-dessus de la cave, de deux chambres à l’étage, et d’une salle de mairie au-dessus de l’escalier. La moitié du galetas, le jardin, l’écurie, ainsi que la moitié de la cave sont également inclus dans la location. Ce logement est utilisé à la fois pour l’école et comme résidence pour l’instituteur. Le loyer, fixé à 195 francs, est pris en charge par la commune, tandis que le paiement des contributions est à la charge de l’instituteur.
Le 15 février 1880, le bail est renouvelé pour une durée de 2 ans.
En 1866, le Certificat d’étude primaire est instauré (il sera supprimé en 1989).
En 1867, la loi Duruy impose également aux communes de plus de 500 habitants d’ouvrir une école réservée aux filles. Cependant, cette obligation ne concerne pas Saint-Michel, qui ne compte alors que 483 habitants.
2. La maison d’école pour filles aux Fonts Rivoires (actuelle maison Durand).
En 1875, un bail à loyer est signé entre le maire, M. Joseph Dye, et Mlle Euphroisine Mollière, propriétaire d’une maison aux Fonts Rivoires. D’une durée de trois ans, ce bail prend effet à compter du 1ᵉʳ janvier 1875, avec un loyer annuel de 45 francs réglé par la commune. Le paiement des contributions reste à la charge de Mlle Mollière.
Cette maison, destinée à servir d’école pour les filles, se compose, au rez-de-chaussée, d’une salle de classe, et au premier étage, d’une cuisine et d’une chambre pour l’institutrice. Le grenier et la cave sont également inclus dans la location.
En 1878, une convention est signée entre le maire, M. Joseph Coste, et Étienne Clerc (nouveau propriétaire de la maison d’Euphroisine Mollière) pour un bail de deux ans.
En 1880, la maison devient la propriété d’Étienne Ginet-Gris. Un nouveau bail est alors conclu avec la commune pour une durée de deux ans.
Le 12 février 1879, une promesse de vente est signée entre M. Joseph Coste, maire de la commune, et M. Rémy Champon, cultivateur (père de Daniel, futur maire), résidant dans l’actuelle maison Détroyat. Ce contrat concerne la vente d’un terrain d’environ 20 ares, situé au mas des Fonts Rivoires, au prix de 1 539,30 francs. Cet emplacement est destiné à la construction d’une maison d’école, projet approuvé par l’Administration locale. Le paiement est échelonné sur 20 ans.
Le 6 juillet de la même année, une caisse spéciale pour l’établissement et l’amélioration des bâtiments scolaires est créée. Cependant, il manque encore la somme de 20 268,42 francs. Ainsi, des avances et des subventions exceptionnelles sont accordées par le Ministre de l’Instruction Publique. Enfin, des emprunts auprès de la caisse des écoles permettent de finaliser le projet.
La construction du groupe scolaire et de la mairie (1880-1882)
La loi Jules Ferry du 16 juin 1881, rend l’enseignement primaire public gratuit, puis obligatoire et laïc par la loi du 28 mars 1882. L’Église s’opposera avec virulence à une école « sans Dieu » et « sans morale ». Mais l’École de la République sera ainsi à partir de cette date : obligatoire, gratuite et laïque pour les enfants garçons et filles de 6 à 13 ans.
Le conseil municipal réunit le 9 mai 1880 a choisi M. Eugêne Collonge, entrepreneur à Roybon pour procéder à l’adjudication des travaux de construction de la maison d’école de garçons, école de filles et mairie après que 5 soumissions aient été déposées sur le bureau. Le montant total du devis est de 31 165,15 Francs. Avec un rabais de 11,10% proposé par M. Collonge, le montant net des travaux s’élève en fin de compte à 27 705,82 Francs.
Aussi, la même année, les travaux pour la construction de l’école communale débutent, supervisé par l’architecte Edouard Romiguière, directeur des travaux.
Le maire de Saint-Michel, assisté de l’entrepreneur et de l’architecte, a signé le 26 octobre 1882 le certificat de réception définitive après avoir vérifié que les travaux exécutés étaient conformes au devis et au cahier des charges de ce groupe scolaire et mairie, dans les règles de l’art.
Ce groupe scolaire est construit dans un espace clos avec ses cours de récréation séparées par une clôture, les filles d’un côté et les garçons de l’autre. Chaque cour possède son préau et ses cabinets d’aisances. Le bâtiment comprend 2 salles de classes, bien éclairées avec de grandes fenêtres et bien aérées avec des hauts plafonds, où sont soigneusement alignés les rangés de pupitres biplaces. L’étage est réservé au logement de l’instituteur. L’architecture du bâtiment est aussi prise en considération avec ses murs en galets roulés typiques de la région. Une mairie est également aménagée avec sa salle du conseil qui, ainsi associée à l’école, a valeur de symbole.
Ce modèle de bâtiment scolaire est familier à nos yeux dans la grande majorité des villages de France.
En 1883, Joseph Félix André-Poyaud vend 54 ares à la commune pour élargir le chemin vicinal menant à l’école.
Évolutions de l’école communale au XXe siècle (1930-1945)
En 1932, des travaux de réfection et de réparation de l’école sont réalisés : d’une part, réparation de quatre pièces dans le logement de l’instituteur, et d’autre part, réfection des murs de la cour et des préaux, ainsi que la construction d’un mur de séparation entre les cours des garçons et des filles.
En 1934, une pétition des parents d’élèves est adressée à l’Inspecteur d’Académie pour signaler le retard scolaire des enfants, en raison de la réduction à une seule classe et des changements trop fréquents d’instituteurs. L’année suivante, avec 40 élèves, les parents réclament l’ouverture d’une deuxième classe.
En 1936, l’obligation scolaire est étendue de 13 à 14 ans.
Le 19 décembre 1937, une plainte est déposée par les parents d’élèves : les tentatives de mixité des classes sont fortement contestées, et le curé de la paroisse, l’abbé Fabre, aurait été l’un des principaux opposants. Cette plainte, concernant l’école mixte, est transmise au préfet le 4 juillet 1939.
Le 8 septembre 1940, une deuxième classe est rouverte, avec une séparation : les filles d’un côté et les garçons de l’autre.
En 1942, à la rentrée scolaire, les enseignants demandent la création de deux groupes distincts : un groupe d’enfants de 6 à 7 ans dans l’école des filles et un autre dans l’école des garçons. Cette proposition est acceptée.
Sources :
- Auguste PAVOT, « Organisation officielle de l’Enseignement primaire dans le district des Thermopyles en l’an III » – Le Dauphiné, n°2896 du 23 février 1913 et n°2897 du 24 février 1913.
- Archives Départementales de l’Isère.
- Registre matricule des élèves de St-Michel-de-St-Geoirs (Garçons).
- L’année 1918 et l’année 1919 à St-Michel-de-St-Geoirs, Madeleine Meunier.
- Merci à Danièle Guillot, Brigitte Guillot “La Fraternelle”, Madeleine Meunier, Gérard Champon, Gilbert Jacquemet et Maurice Dye pour leurs contributions.
Photos de classes
Il n’existe aucune carte postale ou cliché photographique ancien de salle de classe d’école de Saint-Michel, dans la mesure ou les instituteurs semblent ne pas laisser entrer les photographes « dans » les salles de classe. Rares sont les communes qui en possèdent et seul nous restent les traditionnelles photos de classes des photographes ambulants. Prévenus de leur passage, les parents mettaient un point d’honneur à ce que les enfants soient bien habillés.